St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.
Pierre-Jean de Béranger 17801857
217. Les Hirondelles
C
Un guerrier courbé sous ses fers
Disait: ’Je vous revois encore,
Oiseaux ennemis des hivers.
Hirondelles, que l’espérance
Suit jusqu’en ces brillants climats,
Sans doute vous quittez la France:
De mon pays ne me parlez-vous pas?
De m’apporter un souvenir
Du vallon où ma vie obscure
Se berçait d’un doux avenir.
Au détour d’une eau qui chemine
A flots purs, sous de frais lilas,
Vous avez vu notre chaumine:
De ce vallon ne me parlez-vous pas?
Au toit où j’ai reçu le jour;
Là, d’une mère infortunée
Vous avez dû pleurer l’amour.
Mourante, elle croit à toute heure
Entendre le bruit de mes pas;
Elle écoute, et puis elle pleure:
De son amour ne me parlez-vous pas?
Avez-vous vu de nos garçons
La foule, aux noces conviée,
La célébrer dans leurs chansons?
Et ces compagnons du jeune âge,
Qui m’ont suivi dans les combats,
Ont-ils revu tous le village?
De tant d’amis ne me parlez-vous pas?
Du vallon reprend le chemin;
Sous mon chaume il commande en maître;
De ma sœur il trouble l’hymen.
Pour moi plus de mère qui prie,
Et partout des fers ici-bas.
Hirondelles de ma patrie,
De ses malheurs ne me parlez-vous pas?’