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Home  »  The Oxford Book of French Verse  »  218. La Chute des Feuilles

St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.

Pierre-Jean de Béranger 1782–†1816

218. La Chute des Feuilles

DE la dépouille de nos bois

L’automne avait jonché la terre;

Le bocage était sans mystère,

Le rossignol était sans voix.

Triste et mourant à son aurore

Un jeune malade, à pas lents,

Parcourait une fois encore

Le bois cher à ses premiers ans:

‘Bois que j’aime, adieu! je succombe’

Votre deuil me prédit mon sort,

Et dans chaque feuille qui tombe

Je lis un présage de mort.

Fatal oracle d’Epidaure,

Tu m’as dit: “Les feuilles des bois

A tes yeux jauniront encore,

Et c’est pour la dernière fois.

La nuit du trépas t’environne;

Plus pâle que la pâle automne,

Tu t’inclines vers le tombeau.

Ta jeunesse sera flétrie

Avant l’herbe de la prairie,

Avant le pampre du coteau.”

Et je meurs! De sa froide haleine

Un vent funeste m’a touché,

Et mon hiver s’est approché

Quand mon printemps s’écoule à peine.

Arbuste en un seul jour détruit,

Quelques fleurs faisaient ma parure;

Mais ma languissante verdure

Ne laisse après elle aucun fruit.

Tombe, tombe, feuille éphémère,

Voile aux yeux ce triste chemin,

Cache au désespoir de ma mère

La place où je serai demain!

Mais vers la solitaire allée

Si mon amante désolée

Venait pleurer quand le jour fuit,

Éveille par un léger bruit

Mon ombre un moment consolée.’

Il dit, s’éloigne … et sans retour!

La dernière feuille qui tombe

A signalé son dernier jour.

Sous le chêne on creusa sa tombe.

Mais ce qu’il aimait ne vint pas

Visiter la pierre isolée;

Et le pâtre de la vallée

Troubla seul du bruit de ses pas

Le silence du mausolée.