St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.
Victor-Marie Hugo 18021885
252. Un peu de Musique
Un bruit confus s’approche, et des rires, des voix,
Des pas, sortent du fond vertigineux des bois.
Qu’emplit la rêverie immense de la lune
On entend frissoner et vibrer mollement,
Communiquant aux bois son doux frémissement,
La guitare des monts d’Inspruck, reconnaissable
Au grelot de son manche où sonne un grain de sable.
Il s’y mêle la voix d’un homme, et ce frisson
Prend un sens et devient une vague chanson.
Montons sur deux palefrois;
Tu m’emmènes, je t’enlève.
L’oiseau chante dans les bois.
Partons, c’est la fin du jour;
Mon cheval sera la joie,
Ton cheval sera l’amour.
Les voyages sont aisés;
Nous donnerons à ces bêtes
Une avoine de baisers.
Frappent du pied tous les deux,
Le mien au fond de mes songes,
Et le tien au fond des cieux.
Nous emporterons nos vœux,
Nos bonheurs, notre misère,
Et la fleur de tes cheveux.
Le moineau rit; ce moqueur
Entend le doux bruit des chaînes
Que tu m’as mises au cœur.
Si les forêts et les monts,
En nous voyant côte à côte,
Ne murmurent pas: Aimons!
Ô les verts taillis mouillés!
Ton souffle te fera suivre
Des papillons réveillés.
Triste, ouvrira son œil rond;
Les nymphes, penchant leur urne,
Dans les grottes souriront,
C’est Léandre avec Héro;
En écoutant leurs paroles
Nous laissons tomber notre eau.”
Nous aurons l’aube à nos fronts;
Je serai grand, et toi riche,
Puisque nous nous aimerons.
Sur nos deux chevaux charmants,
Dans l’azur, dans le mystère,
Dans les éblouissements!
Et nous payerons l’hôtelier
De ton sourire de vierge,
De mon bonjour d’écolier.
Viens, mon cœur s’épanouit,
Viens, nous conterons ce conte
Aux étoiles de la nuit.’
Sous les arbres bleuis par la lune sereine,
Puis tremble, puis expire; et la voix qui chantait
S’éteint comme un oiseau se pose; tout se tait.