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St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.

Pierre de Ronsard 1524–†1585

68. Odes

vi. De l’Election de son sepulchre

ANTRES, et vous fontaines

De ces roches hautaines

Qui tombez contre-bas

D’un glissant pas:

Et vous forests et ondes

Par ces prez vagabondes,

Et vous rives et bois,

Oyez ma voix.

Quand le ciel et mon heure

Jugeront que je meure,

Ravy du beau sejour

Du commun jour,

Je defens qu’on ne rompe

Le marbre pour la pompe

De vouloir mon tombeau

Bastir plus beau:

Mais bien je veux qu’un arbre

M’ombrage en lieu d’un marbre,

Arbre qui soit couvert

Tousjours de vert.

De moy puisse la terre

Engendrer un lierre,

M’embrassant en maint tour

Tout à l’entour:

Et la vigne tortisse

Mon sepulcre embellisse,

Faisant de toutes pars

Un ombre espars.

Là viendront chaque année

A ma feste ordonnée

Avecques leurs troupeaux

Les pastoureaux:

Puis ayant fait l’office

De leur beau sacrifice,

Parlans à l’isle ainsi

Diront ceci:

Que tu es renommée

D’estre tombeau nommée

D’un, de qui l’univers

Chante les vers!

Et qui onq en sa vie

Ne fut bruslé d’envie,

Mendiant les honneurs

Des grands Seigneurs!

Ny ne r’apprist l’usage

De l’amoureux breuvage

Ny l’art des anciens

Magiciens!

Mais bien à noz campagnes

Fist voir les Sœurs campagnes

Foulantes l’herbe aux sons

De ses chansons.

Car il fist à sa lyre

Si bons accords eslire

Qu’il orna de ses chants

Nous et noz champs.

La douce manne tombe

A jamais sur sa tumbe,

Et l’humeur que produit

En May la nuit.

Tout à l’entour l’emmure

L’herbe et l’eau qui murmure,

L’un tousjours verdoyant,

L’autre ondoyant.

Et nous ayans memoire

Du renom de sa gloire

Luy ferons comme à Pan

Honneur chaque an.

Ainsi dira la troupe,

Versant de mainte coupe

Le sang d’un agnelet

Avec du laict

Desur moy, qui à l’heure

Seray par la demeure

Où les heureux espris

Ont leur pourpris.

La gresle ne la neige

N’ont tels lieux pour leur siège,

Ne la foudre oncque là

Ne devala:

Mais bien constante y dure

L’immortelle verdure,

Et constant en tout temps

Le beau Printemps.

Le soin qui sollicite

Les Rois, ne les incite

Le monde ruiner

Pour dominer:

Ains comme freres vivent,

Et morts encore suivent

Les mestiers qu’ils avoient

Quand ils vivoient.

Là là j’oiray d’Alcée

La lyre courroucée,

ET Sapphon qui sur tous

Sonne plus dous.

Combien ceux qui entendent

Les chansons qu’ils respandent

Se doivent resjouir

De les ouir!

Quand la peine receuë

Du rocher est deceuë,

Et quand le vieil Tantal

N’endure mal!

La seule lyre douce

L’ennuy des cœurs repousse.

Et va l’esprit flatant

De l’escoutant.